Par Francis Journot*

L’Afrique subsaharienne pourrait construire une importante industrie manufacturière de biens de consommation. Cela permettrait ainsi de répondre à une demande intérieure croissante et d’exporter une valeur ajoutée qui lui procurerait les moyens de financer ses infrastructures. Mais les Objectifs de développement durable (ODD) semblent aller à l’encontre de l’essor de l’Afrique subsaharienne.

De nombreuses conditions sont réunies pour construire une industrie manufacturière    

Parmi celles-ci, citons des salaires concurrentiels même s’il faut, ainsi que le préconise notre projet  International Convention for a Global Minimum Wage, en finir avec des conditions indignes. Par ailleurs, des pays d’Europe connaissent, hors agroalimentaire, une fin de cycle industriel dans de nombreux secteurs mais ne veulent pas augmenter leur dépendance à la Chine. Cela peut offrir de nombreuses opportunités à l’Afrique subsaharienne. J’expliquais le phénomène des cycles dans le magazine Marianne : « Les économies suivent généralement le même cheminement agricole, industriel puis des services. Ainsi, les pays les moins développés dont ceux d’Afrique subsaharienne, ne peuvent enjamber une progression des cycles, de même que les pays anciennement industrialisés se heurtent le plus souvent à un effet cliquet post-industriel qui empêche un parcours inverse. » Ajoutons à cela, le dynamisme de sa démographie et une jeunesse volontaire de plus en plus diplômée voulant s’investir. Les besoins d’équipement des ménages seront croissants et la construction d’une industrie manufacturière de biens de consommation est indispensable. Elle procurerait d’innombrables perspectives en termes d’emplois et de prospérité.

Mais les objectifs de développement durable (ODD) empêchent l’industrialisation de l’Afrique  

Dans un article publié dans le journal Le Figaro en 2021, j’écrivais déjà : « L’approche des Objectifs de développement durable (ODD) fixés par l’ONU pour 2030 au premier rang desquels figurent l’extrême pauvreté et la faim, est holistique. Mais les 17 objectifs voulus indivisibles et transversaux, s’opposent souvent entre eux. Ainsi le financement de projets uniquement lorsqu’ils répondent aux critères verts, durables ou numériques, va empêcher l’émergence d’une industrie manufacturière des biens de consommation et abandonner de nombreuses populations à leur sort. ». Clairement, la politique dite durable va à l’encontre de l’inclusif, de la diminution de l’extrême pauvreté et de la malnutrition.

Energies fossiles : deux poids, deux mesures    

Alors que la Chine, l’Inde, les USA et l’UE continuent d’ouvrir des centaines de centrales à charbon et à gaz, il peut sembler peu équitable ou abusif d’empêcher l’Afrique subsaharienne dont le CO2 représente moins de 2% des émissions mondiales, d’utiliser quelques-unes de ses ressources indispensables au développement de son économie. Il faut certes avant tout préserver au mieux l’environnement dont la faune et la flore mais nul ne souhaite transformer l’Afrique subsaharienne en gigantesque usine du monde. Aussi faut-il trouver une juste mesure afin que celle-ci puisse produire au moins une part de ses biens de consommation et exporter de la valeur ajoutée pour obtenir une croissance suffisante, financer son progrès et répondre aux besoins de ses populations.

Après l’échec des politiques passées, il faut un cadre clair et pragmatique, structuré et structurant

La politique postcoloniale d’Aide publique au développement (APD) dont le montant avoisine 1500 Mrds de dollars en 60 ans, a échoué.  De même, on cherche en vain la réussite du PAL (Plan d’Action de Lagos) mis en œuvre en 1980 par l’OUA ou une avancée concrète de l’Agenda pour 2063 écrit par l’UA lors de l’Accord de Paris sur le climat en 2015 (COP 21) et s’appuyant surtout sur la politique plus idéologique qu’économique des ODD. Si l’on en croit IndustriALL Global Union qui regroupe 50 millions de travailleurs, « D’innombrables stratégies d’industrialisation de l’Afrique ont été adoptées, depuis l’Agenda 2063 de l’Union africaine, et ce, du niveau continental jusqu’aux politiques industrielles nationales, mais le décollage ne se produit pas ».

En 2018, la Banque Mondiale dévoilait la probabilité d’une région subsaharienne qui concentrera 90 % de l’extrême pauvreté mondiale en 2030. Aussi est-il urgent d’appliquer un programme pour l’industrialisation de l’Afrique subsaharienne en moins de 20 ans. Afin d’économiser plusieurs années et des centaines de milliards d’euros d’investissement en recherche et développement (R&D), structuration industrielle etc., nous devons aller nous-mêmes démarcher et convaincre, schémas de process de production à la main et projections financières à l’appui, les grandes entreprises qui produisent aujourd’hui en Chine, d’inclure l’Afrique subsaharienne dans leurs étapes de chaînes de valeur mondiales (CVM). Notre vision à 360° permettra d’engager simultanément l’ensemble des actions dont recherche d’investisseurs et constitution de fonds financiers, organisation d’infrastructures et de complexes industriels, formation, mais surtout une communication qui génèrera une dynamique mondiale et fédèrera autour de ce grand dessein pour l’Afrique.  


A propos de Francis Journot

Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le programme pour l’industrialisation de l’Afrique subsaharienne en moins de 20 ans ou Plan de régionalisation de production et Africa Atlantic Axis.  Il fait de la recherche dans le cadre d’International Convention for a Global Minimum Wage  

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